Pas de larmes pour les hommes
Dans l’exposition de Paolo Pellegrin, il y avait une photo que je n’ai pas pu prendre. Elle était insoutenable. Je ne pouvais pas la prendre avec moi, dans mon appareil photo, à l’intérieur de mon sac ; alors je ne peux vous la montrer.
J’ai pu à peine la regarder.
Un homme marchait parmi les décombres de sa ville, portant le corps inanimé d’un enfant (son enfant ?) dans ses bras.
Ces yeux étaient secs. Il n’y avait pas la moindre humidité. Il fixait l’objectif. Son regard n’était pas vide. Il contenait une haine terrible.
J’ai détourné les yeux.
Sur le même mur, juste à coté, cette autre photo.
Ces deux photos ont été prises au Liban, au milieu de la guerre.
Sur le mur d’en face, à des milliers de kilomètres de là, en Tchétchénie, la photo des femmes pleurant un de leur mort.
Je ne pouvais m’empêcher d’aller et venir du Liban à la Tchétchénie ; des photos des hommes, à la photo des femmes.
Des regards de haine et de colère, des corps tendus, en mouvement…aux visages en pleurs et à l’agonie, aux corps ployant sous la douleur.
Je me suis dit que tant que les femmes pleureront, il restera de l’espoir…tout ne sera pas fini.
Les larmes des femmes en réponse à la violence et à la haine…le dernier rempart contre la folie.